Le Journal de Montréal

«Même si on a dû fermer nos showrooms, nos ventes ont augmenté de 260% comparativement à la même période l’an dernier.» Les dernières semaines nous ont démontré la fragilité de certaines chaînes d’approvisionnement quand elles font face à de sévères perturbations.

Vincent Gagnon, propriétaire du commerce de meubles et déco en ligne M2GO, espère que ça favorisera une résurgence de la production locale, même s’il concède que rien n’est gagné d’avance.

Donner une visibilité aux fabricants d’ici

Vincent Gagnon, propriétaire de M2GO

Depuis 2015, son entreprise, qui travaille presque exclusivement avec des fabricants québécois, a misé gros sur le positionnement et le service en ligne afin de réduire les intermédiaires et d’offrir des produits abordables.

«Il y a des fabricants d’ici qui vendaient très bien aux États-Unis, mais qui n’avaient pas de détaillant pour les mettre en valeur au Québec. Et je voyais aussi que les marchands ne prenaient pas le virage numérique au sérieux. Autant au niveau de la visibilité sur les moteurs de recherche que de l’expérience client en ligne.»

«C’était donc ça mon cheval de bataille. Aujourd’hui, ceux qui doutaient du modèle m’appellent pour faire affaire avec nous.»

Selon le jeune homme d’affaires, c’est ce qui lui permet de connaître une période record malgré la crise.

«Même si on a dû fermer nos showrooms, nos ventes ont augmenté de 260% comparativement à la même période l’an dernier. Notre vision a fait qu’on est en bonne position. Parce que malgré la pandémie, il y a encore des nouveaux parents ou des gens en déménagement qui doivent se meubler. On travaille aussi sur une soumission de 200 lits pour le gouvernement fédéral.»

Vincent Gagnon, propriétaire de M2GO

Certains articles de décoration comme les tapis doivent être importés, mais Vincent se fait un devoir de prioriser les entreprises locales dans l’ensemble de ses opérations. L’entreprise s’est d’ailleurs associée à un transporteur de Boucherville pour ses livraisons et a commencé à développer ses propres designs.

L’implication de M2GO dans la communauté dépasse aussi le contexte des affaires. Du 8 au 30 mai, 5% de ses revenus seront remis à la Fondation des Auberges du cœur.

Des mesures pour aider les PME d’ici à concurrencer avec les géants

Vincent Gagnon, propriétaire de M2GO

Si l’entrepreneur salue la solidarité québécoise et l’engouement pour l’achat local, il estime que des mesures devront être mises en place pour encourager le mouvement davantage.

«On a un bon écosystème de startups et il y a de bonnes subventions pour la transformation numérique. Mais c’est au niveau fiscal qu’il y a des injustices. C’est désolant de savoir que des commerces en ligne d’ailleurs ne paient pas d’impôt et ne collectent pas de TPS/TVQ.»

«Au début, on me conseillait de m’incorporer dans des États américains pour payer moins de taxes. Mais je viens d’ici et c’est ici que je veux payer des taxes. Si un modèle d’affaires n’est pas rentable à cause des taxes, il y a un problème dans le modèle.»

Les défis post-crise

Vincent Gagnon, propriétaire de M2GO

L’entrepreneur espère que l’enthousiasme vers les produits fabriqués ici se poursuivra.

«Ça va prendre du temps. La mémoire est une faculté qui oublie, puis on peut vite revenir dans nos vieilles habitudes.»

Si le fait que plusieurs consommateurs se retournent vers le commerce en ligne peut favoriser des géants comme IKEA et Amazon, c’est justement là que M2GO croient pouvoir tirer son épingle du jeu.

«On est quelques employés seulement et on n’a pas les coffres remplis comme eux, mais c’est ça ma fierté : on est quand même capable de rivaliser avec les gros noms quand les gens font des recherches en ligne.»

Main-d’œuvre

Alors qu’on parlait de pénurie de main-d’œuvre il y a encore à peine deux mois, Vincent croit qu’une transformation devra aussi s’opérer de ce côté.

Vincent Gagnon, propriétaire de M2GO

«Plusieurs industries comme le divertissement vont être au ralenti. Ça va peut-être inciter des jeunes travailleurs à se réorienter vers les secteurs manufacturiers. D’ailleurs, ma copine qui étudie à l’École nationale du meuble remarquait déjà un changement. De plus en plus, elle voyait des gens avec des bacs qui changeaient de carrière et des femmes qui se lançaient en ébénisterie.»

«Je suis très optimiste. Ce n’est pas demain matin que la province va renouer entièrement avec la fabrication d’ici et l’achat local, mais c’est un mouvement qui va faire des petits.»